HARCELEMENT SCOLAIRE

Notre ami Erwan BALANANT, député du Finistère a été nommé, par le Premier ministre, en mission auprès de la ministre de la justice et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. 

Cette mission a pour intérêt d'approfondir les causes et conséquences du harcèlement dans les écoles collèges et lycées afin d' évaluer l'effectivité des mesures mises en œuvre pour lutter contre ce fléau.
Un compte rendu intermédiaire de ses travaux sera rendu début mars 2020 et les propositions devront être transmise avant le 7 mai 2020.

Inspecteur d'académie dans un département il y a encore peu, j'ai souvent été confronté à des situations de harcèlement scolaire à tous les niveaux de notre système éducatif et il nous faut reconnaître que ce phénomène réellement présent peut avoir des conséquences graves, sur le développement des enfants qui en sont victimes, mais également pour leur tortionnaire.

Face au harcèlement scolaire, nous sommes tous démunis et la raison en vient peut-être aussi parce que nous manquons de discernement, plus pragmatiquement car nous ne savons plus faire face au conflit, à la condition bien sût que nous ayons eu un jour cette compétence. 

Le politiquement correct a conduit, nombre d’adultes à vouloir relativiser certaines situations et à les traiter avec plus ou moins de légèreté, considérant que les choses s’arrangent toujours d’elles-mêmes et qu’après tout, ce ne sont que des « chamailleries de gamins ». 

Là se trouve l’erreur. Les souffrances infligées et quelqu’en soit le mode, physiques, psychologiques laissent des blessures qui malheureusement, en fonction de la capacité de résilience, restent gravées à tout jamais, provoquant une phobie de l’école, la boule au ventre le matin quand l’enfant se lève et se prépare. Malheureusement, cela conduit également à la déscolarisation et plus grave encore, à des dégâts psychologiques.

Un climat scolaire délétère où la victime perdra pied et prendra du retard dans ses apprentissages, perdra pied avec son avenir car nous sommes tous conscients que dans un pays où les diplômes prévalent sur les compétences et les diverses intelligences, que sans certification, l’insertion professionnelle est rendue difficile, voire même impossible au regard du milieu social duquel on est issu.
Un climat scolaire qui de fait, détériore « l’estime de soi », seule condition nécessaire à l’épanouissement et à la réussite.

Il y a quelques mois, j’étais confronté à une de ces situations où l’établissement n’avait pas apporté de réponse satisfaisante à une situation de harcèlement. Certes, on pouvait reconnaître des circonstances atténuantes au tortionnaire, mais ces circonstances ne pouvaient justifier que d’autres en souffrent et c’était le cas. Ce type de situation arrive très rarement sur le bureau de l’inspecteur d’académie, le plus haut maillon du système éducatif dans le département. Cela signifie que le système lui-même est en échec. Que toute les modalités de médiation et d’accompagnement mises en oeuvre ont échoué.

Les parents étaient en face de moi, j’étais entouré de mes conseillers. Peu de temps avant, j’avais reçu le chef d’établissement, un homme d’une cinquantaine d’année démuni qui éclata en sanglots et se disait lui-même, victime de harcèlement de ces parents. N’était-il pas légitime que ces parents soient inquiets face à la souffrance de leur enfant qui ne voulait plus retourner au collège, qu’il fassent part de leur propre souffrance auprès de ce responsable?

Ce jour là, avec mes conseillers, nous apportâmes des réponses à ce couple démuni dont la colère à un certain moment éclata. Le père, cadre de haut niveau, une personnalité douce et calme, explosa littéralement, frappant avec son poing la table  et criant sa colère face à l’incapacité d’adultes à régler un problème qui somme toute, était une gaminerie qui avait dégénéré en véritable harcèlement.

Ce témoignage démontre qu’effectivement et à un niveau de responsabilité élevé, les adultes ne disposent pas toujours des outils nécessaires à une réelle médiation et ne sont pas formés pour faire preuve d’un réel discernement dans une situation de conflit. Mais il est vrai aussi que les choses ne sont pas aussi simples et posent une problématique que nous n’arrivons pas à résoudre, celui de l’autorité et de sa reconnaissance. La remise en cause régulière de l’autorité par la communauté éducative conduit, il me semble, à cette perte de compétence et à la crainte de ne pas prendre la bonne décision.

Le harcèlement scolaire est un combat à mener, je suis convaincu qu’Erwan Ballanant dans le cadre du dialogue qu’il va engager avec l’ensemble de la communauté saura trouver les leviers indispensables pour repositionner les acteurs de l’Ecole, redonner confiance au système éducatif et la partager. La formation des adultes et pas seulement une sensibilisation, doit accompagner le rétablissement d’un climat scolaire rassurant et bienveillant.

Aujourd’hui, nombre de rapports ont été produits sur ce fléau, des pays ont agi efficacement. Nous disposons de ces études qui nous donnent des réponses, il serait temps qu’en France, nous cessions de les ranger sur des étagères à l’issue de leur parution et que nous nourrissions notre quotidien de ces réflexions et des solutions qu’elles apportent.